Inaayah : « Ce n’est pas moi qui chante, c’est la chanson qui est chantée par moi »

Publiée le 25 mai 2022

Inaayah : « Ce n’est pas moi qui chante, c’est la chanson qui est chantée par moi »

Inaayah

Sélectionnée pour participer au Jeunes Estival, Inaayah fait ses débuts dans la pop Lo-fi. Déterminée à devenir musicienne, elle met son énergie positive au service de sa voix cristalline, se réjouit des clins d’œil de la vie et du soutien de Neige, son manager.

On l’a entraperçue à un atelier de préparation au Jeunes Estival. On l’a imaginée douce, légère, positive. Elle est douce, légère, positive. Énervée aussi parfois. Et chanceuse. Quand elle apprend par hasard, via Instagram, l’existence du Jeunes Estival, elle s’inscrit. « Par curiosité ! raconte-t-elle. J’ai été sélectionnée. Le jour du tremplin, c’était mon anniversaire... » Musicienne, c’est à la fois un rêve, une réalité et une inspiration reposant sur une culture originaire de l’océan Indien où le chant est très présent, ancré dans la religion. Petite, elle écoute ce qu’écoute son père – la pop culture et la soul –, et sa mère – les chansons des films bollywoodiens et le séga, une musique traditionnelle. Elle participe à des récitations de qasidas – des odes poétiques. Découvre qu’elle aime la musique alternative.

En parallèle, elle pousse ses études jusqu’au master. « Je suis allée en linguistique et technique info à la Sorbonne et, en même temps, j’ai fait 42, une école de code,précise-t-elle. J’ai switché en 3D et en imagerie numérique. En rédigeant mon mémoire, je réalisais des miniclips pour voir ce que je pouvais faire toute seule, rapidement, et combien de temps ça prenait. Un jour, j’ai demandé à un ami pianiste de faire un track instrumental... »

L’ami lui propose d’aller en Angleterre pour jouer de la musique. De retour en France, elle en est sûre, c’est ça qu’elle veut faire. Le Covid l’assigne à résidence, elle se lance un défi : sortir une chanson et un clip autoproduit par semaine. Elle réduit finalement ses ambitions à une chanson toutes les deux semaines. « J’en ai sorti vingt, explique-t-elle. On ne se rend pas compte, mais c’est énormément de travail. Je devais écrire la chanson, chercher la musique, monter, compositer, c’était compliqué, mais j’ai pu générer beaucoup d’idées qui m’ont aidée par la suite. »

Elle croise le chemin de Jamil, qui a créé un label indépendant, explore avec lui ce que pourrait être un son personnel, apprend à sortir de ses zones de confort. Puis elle rencontre Neige : « Pendant le premier confine-ment, sur Instagram, on s’est envoyé un message en même temps disant : “ C’est trop bien ce que tu fais ! ” Une belle coïncidence... Puis on a discuté ; on s’est trouvés sympa. »

Elle chante en anglais, lui en français, elle est dans la spontanéité, il cisèle ses productions, il est à l’aise sur scène, elle la redoute, il croit en l’amour véritable, elle ne croit pas à l’amour tel que la plupart des gens le définissent. « On est très différents sur tout, c’est parfait parce qu’on tire différentes choses l’un de l’autre », s’amuse-t-elle.

« Quand on apprend une langue, on sort de chez soi ! »

Lors d’un de ses concerts, il lui passe le micro, elle est en panique. Elle chante, la voix tremblante. « C’était à Saint-Denis, les gens sont venus me dire c’était bien... » se souvient-elle.

Elle participe à des « live sessions » en comités réduits, filmés. Pour l’entraîner, Neige l’emmène de temps en temps en tant que choriste sur ses scènes à lui. Elle acquiert de l’expérience, se sent soutenue. « Je fais de la pop urbaine, de la pop Lo-fi plus calme où les choses sont passées dans un filtre. J’aimerais intégrer certains sons de séga dans un mix lus moderne.» Neige a une association, La Bleusaille, qui organise des concerts pour des artistes émergents. Il devient son manager.

Pour payer ses factures, vivre, comme on dit, elle participe à la création de films d’animation, de jeux vidéo – le dessin est l’un de ses multiples talents. « Les langues, c’est un autre délire, ajoute-t-elle. Je parle anglais, espagnol, français, créole, arabe, japonais et coréen... Quand on apprend une langue, on sort de chez soi ! » Elle a décidé d’adapter cette dissociation à la scène, pour l’apprivoiser. « Je me dis que ce n’est pas moi qui chante, c’est la chanson qui est chantée par moi. » Aujourd’hui, un EP (un album) est en préparation, ainsi que des concerts, des clips. On l’a imaginée douce, légère, positive. Rectification : elle est douce, légère, positive, passeuse de sons formidablement déterminée.

Texte : Joëlle Cuvilliez ; photo : Léa Desjours

Jeunes Estival : samedi 4 juin, à partir de 15h au centre culturel Jean-Houdremont. 20h : le concert.