
Lors d’une conférence de presse le 8 avril, la municipalité a rappelé la nécessité de protéger le bienêtre et la santé des Courneuvien·nes face aux nuisances du Charles-de-Gaulle Express.
Pas question de se résigner. Deux ans avant la mise en service du Charles-de-Gaulle Express (CDG Express), liaison ferroviaire directe entre l’aéroport Paris-Charles de Gaulle et la gare Paris-Est traversant la ville, la municipalité a fait savoir qu’elle n’accepterait pas que ce projet se fasse sans l’installation d’aménagements sonores et vibratoires adaptés. Elle exige également la tenue d’études indépendantes pour mesurer son impact réel et adapter les solutions choisies en conséquence. « Nous ne sommes plus à l’époque où on pouvait ignorer et mépriser celles et ceux qui habitent dans les territoires des banlieues populaires. Nous ne nous laisserons pas marcher dessus », a insisté le maire Gilles Poux au cours de la conférence de presse organisée le 8 avril, à quelques mètres des voies du RER B où doit passer le CDG Express.
Né dans les années 1990, ce projet prévoit une desserte ferroviaire permettant de relier directement en vingt minutes l’aéroport Paris-Charles de Gaulle et la gare Paris-Est, avec des trains lancés à 140 kilomètres/heure toutes les quinze minutes, de 5 heures du matin à minuit, sept jours sur sept.
Une aberration à tous niveaux
Présenté comme une « réponse aux besoins des voyageur·euses aériens » ou une « solution pour désengorger le trafic » sur le RER B et les autoroutes, le CDG Express est au contraire une aberration écologique, sociale et budgétaire pour de nombreux élu·es des villes concernées. « Je reste toujours dubitatif sur cette “urgence” au regard des urgences réelles », a noté le maire, qui a rappelé le tarif très élevé du billet (24 euros) et la nécessité d’améliorer les transports du quotidien.
En l’état, le projet du CDG Express entraînerait d’énormes nuisances sonores et vibratoires. Un train roulant à 140 kilomètres/heure produit un bruit estimé entre 95 et 105 décibels (dB), bien au-delà des niveaux sonores recommandés par l’Organisation mondiale de la santé pour éviter les effets négatifs sur la santé (lire ci-dessous).
Des écrans antibruit hauts de 3 à 5 mètres le long des 700 mètres de voies situées sur les zones résidentielles
Or l’enveloppe allouée aux protections sonores s’élève à 15 millions d’euros seulement, sur un budget total de 2,6 milliards d’euros, et concerne 7,5 kilomètres de tracé à peine, sur un parcours total de 32 kilomètres. Un train à vive allure produit aussi un effet de souffle atteignant 50 à 60 kilomètres/heure avec des vibrations répétées qui peuvent dégrader les infrastructures locales.
La municipalité réclame donc l’installation d’écrans antibruit hauts de 3 à 5 mètres le long des 700 mètres de voies situées sur les zones résidentielles ; l’isolation phonique des logements à proximité ; la réduction de la vitesse des trains à 100 kilomètres/heure en zone dense et la mise en place d’une véritable instance de dialogue et de concertation avec l’État, qui est le gestionnaire d’infrastructures et maître d’ouvrage.
Pour l’instant, le préfet de la région Île-de-France n’a pas répondu aux sollicitations de la mairie. Mais cette dernière, qui a lancé une pétition, envisage d’autres modes d’action, dont la désobéissance civile pour faire respecter les droits des Courneuvien·nes.
Textes : Olivia Moulin ; photos : Léa Desjours
Le bruit nuit à la santé
Troubles ou perte de l’audition, stress, difficultés de concentration, anxiété, troubles du sommeil, problèmes cardiovasculaires et métaboliques, fatigue… L’exposition prolongée à des niveaux élevés de bruit, que ce soit au domicile, au cours des déplacements ou dans les lieux publics, peut avoir des effets néfastes sur la santé. La pollution sonore est même la deuxième cause de morbidité derrière la pollution atmosphérique parmi les facteurs de risques environnementaux en Europe, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Dans ses Lignes directrices relatives au bruit dans l’environnement dans la Région européenne publiées en 2018, le bureau régional de l’OMS pour l’Europe recommande ainsi « fortement de réduire les niveaux sonores produits par le trafic ferroviaire à moins de 54 dB ».
Des victoires contre la pollution sonore

Ce n’est pas la première bataille engagée par la Ville contre les nuisances, sonores et atmosphériques, dues au transport. En 1997, après une longue et grosse mobilisation des habitant·es et des élu·es de Seine-Saint-Denis et du Val d’Oise, le projet de prolongement de l’autoroute A16 jusqu’à Paris en passant par le parc départemental Georges-Valbon est définitivement abandonné. Et en 2024, un an après leur interpellation par la mairie, les autorités ont décidé d’abaisser la vitesse de circulation de 90 à 70 kilomètres/heure sur le tronçon de l’autoroute A86 entre La Courneuve et L’Île-Saint-Denis.
Paroles de riverain·es
Blandine, habitante d'un immeuble sur l'avenue Victor-Hugo
"Un bruit énorme"
« J’habite au 6e et dernier étage de mon immeuble et j’ai du triple vitrage mais rien que l’autoroute A86, c’est déjà compliqué, ça fait un bruit énorme. Je suis au-dessus du mur antibruit, je pense qu’il aurait dû être incurvé pour empêcher le son de monter. Comment fera-t-on avec les nouveaux trains quand on voudra ouvrir les fenêtres ? Le problème, c’est que je suis propriétaire : j’ai acheté neuf en 2018 et je crains que le prix de mon bien baisse. Si rien n’est fait, il y aura des actions en justice, je ne serai pas la seule à demander réparation. »
Moïse, habitant d'un pavillon sur l'avenue de la République
« Ça empêche de dormir »
« C’est un sujet très important, c’est bien que la mairie s’en occupe et veuille nous protéger. Moi, je suis directement concerné. J’habite à quelques mètres des voies et je suis déjà gêné par le bruit du RER : ça couvre les conversations quand on parle dehors dans la cour, on doit demander aux gens de répéter ce qu’ils disent, et ça empêche de dormir parfois. Je ne veux pas qu’il y ait encore plus de bruit ! Ça fait longtemps que je vis à La Courneuve, depuis 1983, et j’ai l’impression que tout est toujours plus compliqué pour les habitants de banlieue. »